Hors série
Planète : Terre 22
Date : 2004
La nuit était silencieuse, enveloppant la maison d'une tranquillité presque surnaturelle. À l'intérieur du salon, l'atmosphère contrastait radicalement avec ce calme extérieur. Mes deux frères, mes deux sœurs, et moi, nous étions tous absorbés par une partie animée de “Monopoly”.
Les billets de banque fictifs s'échangeaient à un rythme effréné, les propriétés changeaient de mains, et les alliances se formaient et se brisaient, au gré des tours. Nos parents dormaient paisiblement dans leur chambre, inconscients de notre petit univers de capitalisme improvisé dans le salon.
Il était tard, bien au-delà de notre heure de coucher habituelle, mais l’adrénaline du jeu nous gardait éveillés et alertes.
Les portes étaient verrouillées, les fenêtres fermées. Rien ne semblait pouvoir perturber cette bulle de bonheur familial. Jusqu'à ce que le silence nocturne soit rompu. Un bruit sourd provenant de la porte d'entrée interrompit notre euphorie collective. Nous nous figeâmes, les yeux écarquillés se croisant dans une confusion silencieuse. Le son du tabouret à l'entrée se fit entendre, traînant sur le sol, comme si une présence invisible le déplaçait. La tension monta d'un cran.
- C'est sûrement papa qui s'est levé pour une raison quelconque, murmura mon frère aîné, essayant de dissiper l'angoisse qui s'était installée.
Nous avons tous hoché la tête, plus par désir d’y croire que par véritable conviction. Et puis, comme pour contredire notre fausse assurance, une ombre blanche glissa rapidement derrière la porte vitrée à gauche. Une ombre qui n'avait rien d'humain, flottante et éthérée, défiant les lois de la physique.
Nous l'avons tous aperçue, et à cet instant, un frisson collectif nous a traversé, semblable à un choc électrique. La partie, les propriétés et les billets de banque, semblaient soudainement insignifiants. Un sentiment d'insécurité nous envahit, les murs de notre maison ne pouvaient plus nous protéger, laissant place à une peur profonde et viscérale.
Sans dire un mot, nous avons éteint les lumières et remballé le jeu. Nous nous sommes blottis dans un coin du salon, côte à côte tels des oisillons cherchant refuge sous l’aile de leur mère. Personne n'a osé parler, mais dans l'obscurité, nos mains se sont instinctivement trouvées et serrées, puisant du courage mutuellement. La nuit fut longue, chaque bruit amplifié par le silence et notre imagination débordante, nous laissant en suspens, attendant de voir si cette ombre blanche réapparaîtrait.
À l'aube, quand les premières lueurs du jour ont filtré à travers les rideaux, nous avons enfin osé bouger, nos muscles raides et nos yeux fatigués, mais soulagés que la nuit se soit écoulée sans autre événement inquiétant. Rien n'avait changé dans la maison, aucune trace de l'événement étrange, rien ne subsistait. Nos parents se sont levés, totalement inconscients de la tension résiduelle qui imprégnait encore l’atmosphère. Nous avons ouvert la porte d'entrée et trouvé le tabouret exactement à sa place habituelle, comme si la nuit n'avait été qu'un rêve inexplicable.
Mais en revenant vers le salon, mon cousin s'arrêta brusquement.
- Regardez ça, dit-il, pointant vers la boîte du jeu.
Là, posé sur le jeu, se trouvait un petit morceau de papier plié. Je l'ai déplié et lu à haute voix les mots inscrit dessus, ma voix trahissant mon étonnement :
- Merci de m'avoir laissé jouer. À la prochaine fois !
Nous nous sommes regardés, les yeux grands ouverts, frappés par la même stupeur. Qui avait écrit ce message ? Et comment avait-il atterri là ? Aucun de nous n'avait de réponse, néanmoins ce souvenir resterait gravée dans nos mémoires, une nuit où le monde réel et l'irrationnel se sont croisés, laissant derrière nous un mystère qui demeure non résolu.
Nous n'avons jamais reparlé de cette nuit, comme si, en évoquant ces événements, nous risquerions de les rendre réels. Mais une certitude demeure : plus jamais nous n'avons osé jouer à des jeux de société après minuit.
Mes pensées vagabondaient, imaginant toutes sortes de scénarios terrifiants. S’agissait-il d’un esprit errant ou d’une entité d'un autre monde ? Était-ce notre imagination collective, nourrie par la nuit et le silence ? Ou quelque chose de plus sinistre, un avertissement ou un présage ? Les possibilités étaient infinies, toutes plus effrayantes et mystérieuses les unes que les autres.
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